de Corbie à Rezé

L'HISTOIRE


 

 

Paul Oscar COISY

 

 

Marie-Augustine

 

LE DOUARIN

 

Oscar Coisy est mon grand-père – le père de ma mère. Je suis né cinq ans après sa mort, il aurait eu quatre-vingt quatre ans c’était en 1942.

De lui, je n’ai évidemment aucun souvenir et tout ce que je vais en dire me vient de ma mère ou de mes oncles et tantes. J’ai de lui deux souvenirs qui m’ont été confiés par ma mère : l’acte d’achat d’une concession à perpétuité au cimetière de Saint-Paul de Rezé en 1919, Il achète ce caveau pour y inhumer sa mère décédée en 1904.

Et un dictionnaire universel qui a été imprimé sous le second empire, vraisemblablement vers 1864. Par contre, je n’ai que le premier tome (de la lettre A à G) et je ne sais où sont les autres. Son auteur s’appelle Maurice de la Chatre. Il dédicace cette œuvre monumentale à Emile de Girardin, journaliste, homme politique et accessoirement l’assassin d’Alexis Carrel. Ironie du sort je n’arrive pas à retrouver Maurice de la Chatre dans un dictionnaire actuel. (voir annexe 1)

La consultation de cet ouvrage est très intéressante car il reflète bien l’état d’esprit de la population française sous le second Empire : Bourgeoisie catholique, réactionnaire et colonialiste.

J’essaierais d’être le plus possible proche de la réalité, mais, faute parfois d’éléments tangibles, c’est l’imagination qui a pris le pas tout en restant dans le contexte des époques traversées.

 

 

L’origine du nom COISY

Rien d’original,  COISY est une petite commune française située dans le département de la Somme de la région picardie.

La période gallo-romaine est rappelée par la grande voie d'Amiens à Arras, et par celle de Corbie à Picquigny, dite "chemin de Périot", qui est une voie secondaire. Le plus ancien document qui fasse mention de Coisy est une charte de Thierry, évêque d'Amiens, de l'année 1156.

Manon Lescaut, héroïne du roman de l'abbé Antoine François Prevost d'Exiles, serait originaire de Coisy. Cette origine hypothétique, fondée sur l'existence de son patronyme à Coisy à la fin du XVIIesiècle et sur le trajet du coche d'Arras, l'amenant à Amiens, a été considérée comme suffisamment probante pour amener la municipalité à donner le nom de "Manon Lescaut" à une rue de Coisy.

Philippe Auguste Coisy est ouvrier en tricot à Corbie. Il est marié à Françoise Ambroisine Neveux et ils habitent rue de la porte d’Encre à Etampes, paroisse de Saint-Eloy, une petite commune qui deviendra un quartier de Corbie. Ils sont nés tous les deux juste après la révolution respectivement en 1802 et 1799. Quand ils se marient en 1826, Françoise a un fils né en 1823. Philippe Auguste le reconnaîtra le jour du mariage.

Ils auront cinq enfants. Philippe Auguste décède chez son fils ainé Pierre Philippe en 1849 dans le département du Nord à Saint-Amand les eaux. Cette même année à St Amand décède également quelques mois avant lui Clémence Coisy une fille de Pierre Philippe.

 

Ce sont deux de leurs enfants qui sont à l’origine de tous les Coisy qui demeurent en Loire-Atlantique aujourd’hui.

Le premier s’appelle Stanislas Désiré, est né en 1826 à Corbie et n’a jamais quitté sa région, il était comme toute la famille tricoteur.

C’est un de ses enfants, Alfred Auguste –né en 1856 à Corbie- qui est venu à Nantes. Il se marie avec marie-Julie Hidou (la fille du voisin de la rue Dos d’Ane) et aura deux fils, Alfred et Jules.

 Le second s’appelle Alcide Oscar Coisy est le père d'Oscar, mon grand-père; Il est né le 21/09/1836 comme sa femme d'ailleurs Pauline Palmyre Buffet à Corbie petit village du département de la somme. Corbie se situe à 17 kms à l'est d'Amiens et à 16 kms du village de … Coisy- Sur la voie de chemin de fer Paris/Lille (barrière physique) et au bord du fleuve "Somme " (barrière naturelle).

On peut conclure que ces ancêtres ont très peu bougé et sont resté très attaché à leur région : la PICARDIE.

Selon la carte de Cassini des environs de 1756 et d’après un historien local, Roger Caron, le hameau d’Étampes se trouvait entre la ville et une zone marécageuse que ce dernier appelle «les marais d’Etampes». C'est un point commun incontestable avec l’Étampes de l’Essonne, dont l’environnement était originellement très marécageux.

 

 

 

Alcide se marie avec Pauline le 25 aôut 1860 à Corbie et s'installe à Fouilloy comme cabaretier. Cette commune voisine de Corbie est la troisième commune en population du canton.

Elle est au croisement de la route qui va de Fouilloy à Moreuil en passant par Villers-Bretonneux auquel on accède en passant à coté du cimetière et du Mémorial australien de Villers-Bretonneux en haut de la colline dominant Fouilly.

De leur union, naîtront à Fouilloy, l'aînée Pauline en 1861 et mon grand-père Paul Oscar Coisy en août 1863.

Dans cette famille, on travaille dans la bonneterie.

La bonneterie à l’époque est une des spécialités de ce département et plus particulièrement la laine. La bonneterie de coton est la spécialité du département de l’Aube et la soie du Gard.                                        

Dans le dictionnaire universel (édition de 1864) de Monsieur de la Chatre on peut lire :

Bonnetier : Cette profession, qui exige un assez long apprentissage, est une des plus triste à étudier. La misère des bonnetiers est poussée jusqu'aux dernières limites. De toutes les industries c’est dans la bonneterie que l’on trouve les plus bas salaires : 2,39 francs par jour pour un homme et 1,31 francs pour les femmes. Cela était du à la grande concurrence qui existait en particulier avec les bonnetiers de la région parisienne qui cassaient les prix.

Peu après la naissance de Paul Oscar, la famille décide de quitter la région; Le cabaretier n’a sans doute pas fait les affaires qu’il espérait et le travail manque.

 

C’est donc entre 1864 et 1865,  qu'Alcide Oscar Coisy - il a vingt-sept ans - décide avec sa femme et ses deux enfants de venir s'installer dans la région nantaise.

Pourquoi Nantes ? Je n'en sais rien ! Mais je trouve leurs traces dans le recensement de Nantes en 1866 rue Dos d'Ane (quartier Pirmil). D’ailleurs par la suite, beaucoup de  Coisy resteront dans ce 4ème arrondissement de Nantes et à Rezé.

Cette rue était très animée et très commerçante. Elle l'est restée jusque dans les années 1960 où tout le quartier a été transformé.

En 1866, dans cette rue il y avait 44 maisons, 166 familles y habitaient, cela représentait 662 personnes. On est dans le 4ème arrondissement de Nantes.

Alcide n’est plus cabaretier, mais bonnetier. Ce sera la même chose en 1872. Dans ce recensement, ses voisins de palier s’appellent Célestin Ravet et Marie Challet et comme par hasard, elle est née à Corbie dans la Somme ! Comme quoi les  phénomènes d’immigration que l’on connaît aujourd’hui existait à l’époque, puisqu’on se refilait les bons tuyaux pour le travail et vraisemblablement on s’entraidait pour se loger.

La rue Dos d’Ane qui n'existe plus quasiment aujourd'hui était située entre la place Pirmil et le Pont de Pont-Rousseau (à l 'époque il n'y avait qu'un pont). Passé le pont on était à Rezé.

Cette rue se trouvait à la fois près de la Loire et de la Sèvre. La Sèvre, par son débit régulier et puissant et la qualité de son eau, alimente un grand nombre de filatures, blanchisseries et tanneries sur la rive gauche.

Alcide à 29 ans et sa femme Pauline 28. Déjà un nouveau fils est né Edmond en 1865 ; Et la série ne fait que commencer. Suivront : Maria Célina en 1867, Toussaint en 1869, Alfred en 1871, Hyppolyte en 1873, Marie Delphine en 1875 ; Désiré en 1877 et le dernier Adolphe en 1880 soit 19 ans après son aînée Pauline.

En 1876 il est toujours bonnetier.

En 1881 il est ouvrier et sa femme Pauline travaille aussi comme ouvrière. On peut se poser la question : pourquoi cette femme qui vient d’avoir 10 enfants (le dernier a un an) et qui héberge en plus Jules Cuvillier Coisy qui a 16 ans se remet à travailler ?   

L’argent doit se faire rare pour élever cette famille nombreuse. L’aînée Pauline à 20 ans Oscar en a 18 et apparemment personne parmi les enfants ne travaille.

 

Les COISY de la rue Saint-Jacques : 

 

En 1886 apparaît, toujours rue Dos d’Ane, Alfred Coisy bonnetier aussi. Il a 30 ans et est le fils de Stanislas Désiré Coisy (né en 1826 à Corbie)frère aîné d’Alcide. Il est né à Corbie en 1856.

C’est le fameux cousin germain de notre grand-père Oscar dont on parle dans la famille. C’est sans doute son oncle Alcide qui l’a fait venir à Nantes, l’a peut-être hébergé quelques temps, lui a trouvé du travail et surtout lui a trouvé une femme.

En effet, Alfred Auguste Coisy se mariera à Nantes le 29/01/1881 avec Marie Hidou.

Marie Hidou est la fille de Pierre Hidou Menuisier et surtout voisin de la famille d’Alcide Coisy rue Dos d’Ane.

Aujourd’hui le nom de Coisy a quasiment disparu dans la Somme mais par contre s’est largement développé en Loire-Atlantique.

 

 

 

Paul Oscar Coisy ou Oscar Paul Coisy ….

Oscar, Paul Coisy est donc né le 7 août 1863 à FOUILLOY. Il n’y restera pas très longtemps puisqu’il a à peine deux ans quand ses parents avec sa sœur aînée Pauline arrivent à Nantes l’année suivante.

Je n’ai rien retrouvé sur la petite enfance, mais on peut supposer qu’il a été scolarisé dans le quartier de la rue Dos d’Ane, dans le quartier St-Jacques vraisemblablement.

Comme son père il est bonnetier et travaille sans doute auprès de lui dans une des usines installées dans la rue Dos d'Ane.

Sur la liste électorale du 4ème canton de Nantes établie entre 1898 et 1902, figure son père Oscar déclaré comme contremaître et ses deux fils Paul Oscar filateur et Toussaint Marie bonnetier. Figurent également deux autres frères Alfred et Hippolyte tous les deux   horlogers.                            

Paul Oscar quitte la rue Dos d’Ane en 1898 ; Année où il se marie une première fois le 13 juin avec Anne-Marie Chocteau, il a 34 ans et sa femme 24. Ils sont tous les deux domiciliés à Pont-Rousseau sans doute au 66 de la rue Sadi Carnot l’actuelle rue Jean jaurès. Les parents d’Oscar sont présents à son mariage et ses témoins sont Léon Jamin Ingénieur civil, un ami et Toussaint son frère qui lui est déjà marié depuis 1895 avec Rose Perron.

De cette union Naît un fils qui meurt en 1905 à l’âge de six ans. Sa femme décédera en 1910, il aura été marié 12 ans il en a 46. Il achètera en 1910 au cimetière de St-Paul une concession à perpétuité (N°863) où sont inhumés sa femme  et son fils. Plus tard (en 1919) il achète une autre concession pour la somme de 211 francs et vingt centimes. Dans ce deuxième caveau sont inhumés : sa mère Pauline, son Père Alcide, son frère Désiré, sa sœur Augustine. Les deux dernières personnes qui ont été inhumées dans ce caveau sont : Adolphe son frère (le droguiste de la rue Louis Blanc) mort en 1957 et la femme de celui-ci Augustine Bondu décès en 1960.

Dans le recensement de 1906, il figure rue Sadi Carnot à Rezé en compagnie de sa femme et d’une domestique Marie Bachelier qui restera à son service après le décès de sa femme.

 

 

L’USINE

 En 1882,  Oscar Coisy achète un terrain (parcelle cadastrée G11/1 case 635/6) à Eustache Heurtin propriétaire à Norkiouse  sur la commune de Rezé.

Il y installe une fabrique de bonneterie au 66 de la rue Sadi Carnot qui est devenu de nos jours la rue Jean Jaurès. Il habite au N° 79 de cette rue.

La principale activité de l’usine est le tricot spécialité des bonnetiers de la région d’Amiens. Je n’ai pas beaucoup d’informations pour l’instant sur le nombre d’ouvriers (ères) autour de 200 semble-t-il ? de même du type de production. La seule trace que j’ai à ce jour est un virement de crédit fait par le conseil municipal séance du 9 juillet 1916 où le maire (M Lancelot) fait connaître qu’il y aurait lieu de régler la facture de M. Coisy pour fourniture de lainage aux prisonniers de guerre, pour un montant de 464 francs .

Ci-dessous, une affiche sans doute après 1918 où l’on voit que la production était des chemises marine et jersey en bleu indigo grand teint.                                     

 

En 1919, une société est créée avec trois partenaires, Oscar Coisy, P. Fitau et R. de la Tullaye.

 

Robert de La Tullaye

 

Robert de La Tullaye, est né le 17 août 1887 à Auzouer-de-Touraine, au château de Pierrefitte, propriété venant de sa mère, où il passe son enfance en compagnie de ses deux frères. Il étudie notamment au collège Saint-Grégoire de Tours. Il pratique de nombreux sports. Vers 1907, Robert de La Tullaye entre dans la marine et devient officier au long cours. Ensuite, il navigue dans la marine de commerce à voile.

Le 13 juillet 1913, il épouse Gilberte de Préaulx, Tourangelle également, et s'installe à Nantes où il possède une filature de laine.

Lors de la déclaration de guerre, il rejoint une unité de canons de marine et participe très vite aux premières reconnaissances aériennes destinées à régler le tir de ses canons, au sein de l’escadrille C 21. Le 13 avril 1917, son triplace Letord est touché. Il est grièvement blessé à la cuisse. Le sergent Lentrain qui l’accompagnait comme mitrailleur, est tué. Seul le pilote rentre sain et sauf. Son escadrille était la R 210.

Quelques mois après, il retourne au front, dans une unité de trains blindés. Il termine la guerre avec la Légion d’honneur et la Croix de guerre.

Il est décédé le 7 juillet 1970.

 

 

Apparemment, cette association a mal fonctionnée. L’entreprise sera déclarée en faillite dans les années 1921/22.

Délibération du conseil municipal de Rezé du 2 mars 1924 :

« M . BASSY architecte ayant remis au conseil municipal un rapport au sujet d’un immeuble à usage de bonneterie ayant appartenu à M COISY et situé rue Sadi Carnot à Pont-Rousseau, le conseil municipal n’est pas d’avis de donner suite au projet d’acquisition en raison de l’importance des dépenses à effectuer pour la mise en état et la destination à donner à l’immeuble. »

En clair, à cette époque, il n’y a donc plus aucune activité dans l’usine, et le propriétaire cherche à se débarrasser de ce qui risque de devenir une friche industrielle.

Un procès aura lieu entre Oscar Coisy et de la Tullaye. Le motif serait qu’Oscar aurait mis toute la responsabilité de la faillite sur le dos de son associé, mais étant associé, ses biens propres ont été engloutis dans ce désastre.

 

L’issu du procès qui aura duré une dizaine d’années interviendra dans les années 1935/1936.

 

Les LE DOUARIN

Origine du nom : Le Douarin    Porté notamment dans le Morbihan, le nom désigne le petit-fils (breton douaren), tout comme Le Douairon, Le Douarain, Le Douaran, Le Douarec, Le Douaron, Le Doueron, Le Doiron.

 

Augustine Ledouarin est née en 1894 à Rezé.

Son père prénommé Pierre Marie est né en 1854 à Réquigny commune du Morbihan.

 

Il semble que REGUINY remonte à l'origine de l'ère préhistorique comme l'attestent des haches de pierre découvertes dans la campagne environnante. Puis, REGUINY serait devenue alors la ville gallo romaine de " REGINEA ". L'existence de deux voies romaines et de deux camps romains, ceux de Locmalo et de Villeneuve, confirment cette thèse. C'est sous la domination romaine que St Clair, évêque de Nantes et Apôtre des Vénètes arriva à REGUINY, pour y prêcher la foi chrétienne. Il mourut à Kerbellec et fut enterré à REGUINY dans la chapelle jouxtant l'ancienne église. Plusieurs historiens mettent sa mort à la fin du 1er siècle, vers l'an 96 ou 100.

 

Les BRETONS, ne sont arrivés dans ce pays que vers le VIème siècle. Ils y ont implanté leur langue et leurs coutumes. Tous les anciens noms de villages sont encore bretons, tels que Kerbellec, Kerdréan, Le Roscoët, Coëtmeur… Du Moyen-age à la Révolution, l'histoire ne nous apprend rien de particulier, sinon que le premier état civil tenu par le clergé et les notables remonte à 1575. Pendant la Révolution, la Chouannerie fut très active, comme un peu partout en Bretagne. Il y eut notamment un certain chef Cobigo, rattaché à la division du Colonel Guillemot, dit le " Roi de Bignan ". A cette époque, REGUINY devint chef-lieu de canton du district de Josselin. En 1801, elle perd ce titre et a intégré le canton de Rohan.

 

Revenons aux Le Douarin …

Son père s’est marié une première fois avec Mathurine Le Bouedec avec qui il a eu un fils Jean-Marie. Ils vivent à St-Nazaire où il est terrassier. Sa femme est décédée dans des circonstances tragiques à St-Nazaire en 1890.

Il est venu après ce décès s’installer à Rezé. Là, il fait la connaissance de Marie Augustine Corbineau qu’il épouse en 1893. Marie-augustine est originaire de la Chevrolière. J’ai retrouvé un de ses ancêtres François Corbineau en 1741 à Pont-St-Martin.

Ils s’installent au Chêne-Creux où ils sont gardes-barrières au Chêne-Creux (En 1896 la ligne de chemin de fer d’intérêt local Pont-Rousseau-Legé est mise en service). A la fin de leur vie ils habiteront chez leur fille rue Chupiet (la Carterie) où un logement dans le fond du jardin leur avait été aménagé. Pierre Ledouarin décède à Rezé en 1924 et sa femme en 1926.

Revenons à Augustine …

Elle a des dispositions pour les études, elle songe même à l’enseignement. Malheureusement, l’argent manque à la maison et il lui faut aller très vite travailler. Elle a 20 ans en 1914 et trouve un emploi dans un atelier de bonneterie à Pont-Rousseau. Elle se retrouve à l’atelier et travaille sur les machines à tricoter. J’en garde d’ailleurs un souvenir personnel. Dans la maison de Saint-Sébastien, il y avait deux machines à tricoter qui étaient entreposées dans une pièce au fond du jardin. Cette pièce a aussi servi de chambre à coucher pour les frères de ma mère. J’ai vu ma grand-mère travailler sur ces machines. Elle nous confectionnait des tricots de peau appelés aussi maillots de corps que nous étions obligés de porter. Je garde encore le souvenir de cette étoffe rêche qui nous irritait la peau et je ne suis sans doute pas le seul dans la famille.

Mais, revenons à l’atelier ou plutôt l’usine qui a compté jusqu’à deux cents employées. Le propriétaire et patron de cette entreprise s’appelle Oscar Coisy. Il a 53 ans et d’après ce qui nous en est parvenu, il a eu une vie déjà bien remplie. Cela fait maintenant six ans qu’il est veuf, et bien qu’il a une maîtresse en titre (une contremaîtresse de l’usine avec qui il aura un fils), il ne tarde pas à remarquer la jeune Augustine qui vient d’être embauché. Il la sort de l’atelier et lui propose un emploi dans les bureaux.

Dans quel état d’esprit est cette jeune fille qui vient de perdre son fiancé tué à la guerre ? Comment a-t-elle réagit aux avances que lui fait son patron ? Droit de cuissage, on dirait aujourd’hui harcèlement ! Toujours est-il que le bonhomme sait se conduire puisqu’il décide de l’épouser. Elle vient d’avoir vingt-trois ans, il en a trente de plus. Ce mariage est bien accueilli par la famille Ledouarin ; et pour cause, Augustine en épousant un des hobereaux les plus riches du coin sera à l’abri du besoin pour le restant de ses jours. Toute la famille en profitera. Il s’occupera de sa belle-famille en particulier en leur trouvant un logement sur la commune de Rezé.

On est en 1916. Le mariage est célébré en grandes pompes en l’église de Saint-Paul à Rezé. A l’époque, Oscar Coisy a pignon sur rue et fait partie de la bourgeoisie rezéenne. Son entreprise de bonneteries tourne à plein. Il a sans doute gagné beaucoup d’argent en fabriquant les bandes molletières pour l’armée. Ne l’oublions pas nous sommes en pleine guerre.

Il a son banc à l’église Saint-Paul. En 1919, il fait l’acquisition de deux  concessions à perpétuité au cimetière de Saint-Paul l'une pour ses parents et l'autre pour sa première femme et son fils décédé. Les deux caveaux existent toujours. Celui des parents a été repris par la famille de son frère Toussaint, l'autre n'a jamais été touché.

 

LA CARTERIE

Ils habitent une propriété située rue Chupiet dans une grande maison bourgeoise dite ‘La Carterie’. Il possède également une résidence d’été à Saint-Brévin au lieu-dit Les Rochelets. Une grande bâtisse en pierre qui deviendra plus tard un hôtel.

La Carterie sera vendue au lieutenant-colonel Poiron. Le colonel et sa femme sont pétainistes. Ils collaborent ouvertement avec l’occupant. A la libération, ils seront arrêtés, jugés et spoliés de leurs biens. Leurs biens seront confisqués. Plus tard, en août 1945 l’administration des Domaines fera procéder la vente de la maison, la commune la rachète et y installe un centre social destiné aux œuvres d’hygiène et médicales. J’en conserve d’ailleurs personnellement un souvenir, puisque c’est dans cette maison que j’ai eue droit de me faire vacciner pendant mon adolescence !

Cette maison n’existe plus. Elle a été démolie en 2006. Ma mère, ses frères et sœurs sauf Paulette y sont nés.

 

Oscar Coisy a donc 53 ans et pas de descendance. Sans doute que le tendron qui est dans son lit décuple son ardeur, peut-être aussi, lui qui vient d’une grande famille veut-il certainement rattraper le temps perdu ! Ils auront 10 enfants dont des jumelles. Entre l’aînée (ma marraine Paulette) et la dernière Thérèse il y a 13 ans. Le palmarès est stupéfiant ! Jugez plutôt :

1916 : le mariage à Rezé

1917 : Naissance de Paulette rue Sadi Carnot   

1918 : Naissance de Jumelles : Augustine pour l'une qui décédera tragiquement à l’âge de 10 ans, l'autre est sans doute mort-né et n'a pas de prénom.

1919 : Naissance de Paul (décédé en 1957 à Mondovie Algérie)

1921 : Naissance de Madeleine (décédée en 2006)

1922 : Naissance d’Edmond (décédé)

1924 : Naissance de Roger

1926 : Naissance de Marie (Mimi)

1928 : Naissance de Pierre (Pierrot) (décédé en 2008)

1929 : Naissance de Thérèse (la blonde)

Autant dire que ma grand-mère sera quasiment enceinte en permanence pendant cette période. Elle décède à l’âge de 67 ans. Je me souviens d’une femme très usée sur la fin de sa vie. Cet homme, déjà d’un autre siècle, menait tout son monde à la baguette. C’était vrai dans son entreprise comme pour sa famille.

 En 1923, il décide de vendre son entreprise.

Il veut changer d’activité et envisage de partir à la campagne pour faire l’élevage de lapins ! Angora bien sûr, un retour aux sources la production de laine.

 

Robert de La Tullaye se porte acquéreur. De la Tullaye dont il semble que c’est la première expérience dans ce domaine demande de conserver le nom de l’entreprise. Mon grand-père accepta cette clause qui fût mise dans le contrat de vente. Est-ce l’erreur qui lui fut fatale ? Piètre commerçant, de La Tullaye fait rapidement faillite et entraîne par-là même mon grand-père dans sa déconfiture. Il s’ensuivra un procès qui durera plus de dix ans et qui le ruinera.

Son orgueil en prit un sérieux coup ; il vécut très mal la faillite de cette entreprise qu’il avait créée. Les années difficiles venaient de commencer. Comme on dit vulgairement il était sur la paille ! Il a fallut tout vendre pour couvrir les dettes. Pourtant, la famille habitera la grande maison de la Carterie jusqu’en 1936. De quoi ont-ils vécu pendant cette période ?

Les allocations familiales n’existent pas encore à cette époque. Aussi, y aura-t-il trois sources de revenus. Ma grand-mère a repris à travailler, les aînés s’y sont mis, et un système de parrainage pour les enfants assure de quoi vivre.

Il reste juste de quoi acheter à crédit grâce à la loi Loucheur, une maison à Saint-Sébastien au 111, rue de la Libération au lieu-dit Porte-Chaise. Il meurt en 1942. Compte tenu des circonstances son enterrement au cimetière de Saint-Sébastien, sera l’événement le moins glorieux de sa vie ; c’est sur une charrette à bras que son cercueil sera emporté au cimetière de Saint-Sébastien.

C’est là que mon père en 1946 fait connaissance avec toute la famille, et ça c’est une toute autre histoire !

 

Ce document est loin d’être exhaustif, et en particulier il me manque beaucoup d’informations concernant l’usine de Pont-Rousseau. En particulier, je voudrais retrouver tout ce qui s’est passé au moment de la faillite et ce procès qui a opposé Oscar Coisy à R. de La Tullaye.

Cela sera pour une prochaine étape.

 

Les sources qui m’ont permis de retrouver les informations contenues dans ce document :

-         des documents déposés par Pierre Coisy aux archives municipales de Rezé

-         les archives municipales de Rezé

-         les archives municipales de Nantes

-         les archives départementales de Loire-Atlantique

-         les archives départementales du Morbihan

-         Wikipédia

-         Les sites des communes de Coisy, Fouilloy, Corbie dans la Somme

-         Le site de la commune de Réguiny dans le Morbihan

Ce document a été réalisé par Jean-Luc Chauvin. Il est destiné à une utilisation essentiellement familiale et ne saurait en aucun cas être divulgué à l’extérieur.

 

Nantes, le 17 mai 2009

 

« Qui suis-je ?

Je suis celui que je serai par mes actions futures ; mes actions passées représentant une liberté figée et non modifiable, n’étant déjà plus moi. »

Jean-Paul Sartre L’être et le néant.

 

Annexe 1

LeDictionnaire Universel, témoignage des convictions d'un homme

En opposition aux valeurs traditionnellement transmises par le milieu social et familial dont il est issu, La Châtre se définit comme anti-royaliste et républicain, n'hésitant pas à exposer ses convictions communistes.
Son engagement politique est influencé par Cabet, Blanqui, Fourier, Proudhon, et surtout Saint-Simon, dont il partage avec conviction la doctrine à la fois technocratique et collectiviste, qui vise à favoriser l'émergence d'une nouvelle société égalitaire basée sur le "système industriel", après la disparition des classes dominantes - rentiers et capitalistes - au profit des "producteurs".
La Châtre affiche en outre, en matière de croyances, un anticléricalisme radical, qui se manifeste de manière éclatante tout au long de son Histoire des Papes, ou encore à travers son désir d'affranchir l'école de l'emprise religieuse; il n'est cependant pas athée comme le prétendent ses détracteurs, mais il se réfère à un mélange très personnel de philosophie et de spiritisme, capable selon lui de développer les facultés humaines et non de les entraver.
L'intérêt des écrits de La Châtre réside dans un regroupement peu banal pour son époque de courants opposants ou marginaux : leur étude présente une vision de certains aspects méconnus de l'histoire du milieu du XIXème siècle : les milieux libre-penseurs, la rencontre des utopismes et des socialismes, les tentatives mutualistes, la critique des "exploiteurs"…

Dans ses ouvrages, et notamment dans son Dictionnaire Universel, véritable vecteur de ses croyances, s'affirment la condamnation de la colonisation, malgré la persistance de certains préjugés, la volonté de voir s'instaurer l'égalité entre les hommes et les femmes, y compris en ce qui concerne les droits civiques et politiques; c'est un éminent précurseur de l'émancipation sociale des femmes.

L'étude des entrées du Dictionnaire offre un témoignage inédit sur les mentalités de cette période; le vocabulaire propre à Fourier fait l'objet d'une description détaillée. Les noms propres recèlent également des informations singulières, car l'auteur ne s'est pas proposé d'offrir un dictionnaire des hommes célèbres, mais des hommes utiles.

L'objectif essentiel du Dictionnaire est de présenter aux lecteurs un résumé des connaissances humaines, selon des visées de pédagogie exhaustive dont le XIXème siècle n'est pas avare:
"Le Nouveau Dictionnaire Universel sera le plus complet et le plus progressif de tous les Dictionnaires, le seul qui embrassera dans ses développements tous les dictionnaires spéciaux" Lettre de l'auteur aux abonnés du Nouveau Dictionnaire Universel.
Cette Lettre de l'auteur éclaire d'ailleurs parfaitement le plan d'ensemble de l'ouvrage: "Un Dictionnaire étant le résumé de tous les travaux des écrivains des différentes époques, nous aurons soin de rechercher les vieux mots de la langue française dans les anciens auteurs, tels que Rabelais, Froissart, Boucicaut, etc., afin d'en faciliter la lecture aux personnes qui veulent étudier notre histoire et notre littérature des temps passés dans les originaux, ce que nul auteur de Dictionnaire n'a fait avant nous […] Nous comptons faire en même temps un Dictionnaire d'idées aussi bien qu'un Dictionnaire de mots, et, dans les nombreuses citations d'auteurs vivants ou d'auteurs morts, nous ferons accueil à toutes les opinions, sans acception de sectes ni d'écoles [ …] Un Dictionnaire est comme une hôtellerie: tous doivent y trouver asile".

Par ailleurs, pour renforcer l'aspect pédagogique de l'ouvrage, l'auteur accorde une place de choix à l'illustration, ce qu'il est l'un des tout premiers à mettre en oeuvre, tandis que l'éditeur utilise des techniques de vente très modernes: distribution à domicile, recours massif aux abonnements, facilités de paiement, publication simultanée dans plusieurs pays...

Personnalité singulière et attachante injustement tombée dans l'oubli, Maurice La Châtre n'a cessé de mener de front, et dans des conditions souvent difficiles, engagements personnels et publication de dictionnaires, lesquels étaient voués par leur auteur à l'émancipation du peuple dans sa forme la plus achevée. La Châtre fut également, et ce n'est pas son moindre mérite, l'éditeur d'Eugène Sue et de Karl Marx.

 

Affiche de l'usine
Affiche de l'usine
Abbatiale de Corbie
Abbatiale de Corbie
Mairie de Corbie
Mairie de Corbie
Rue principale de Corbie
Rue principale de Corbie